Un nouveau triomphe du maestro ! [PV : Thérésia Salieri (et Salieri ?)]

La représentation fut un nouveau succès, le public se leva applaudissant à tout rompre, l’empereur suivait le mouvement et affichait un large sourire. Autre victoire : il n’avait pas baillé de tout l’opéra ! Les « brava » fusaient, les fleurs volaient sur la scène et Katharina, prima donna de la soirée ne boudait pas son plaisir. La scène était son bonheur mais la quitter sous les acclamations était une très belle récompense, la satisfaction d’un « travail » bien mené, l’aboutissement de tant d’efforts et la reconnaissance de son talent aussi dérisoire cela puisse paraître. Bien plus que tout, ce triomphe lui assurait un peu plus un avenir d’opéra et si possible, dans les bonnes grâces de Salieri. D’ailleurs, celui-ci ne bouda pas son sourire et elle comprit qu’il était lui aussi satisfait. Peut-être était-ce la plus belle chose de la soirée, la plus grande des récompenses ? Son seul regard lumineux suffit à la rendre radieuse. Il lui tardait de le retrouver, recueillir ses impressions …

Le rideau se referma sur l’allégresse générale, chacun se congratulant en coulisses et prenant rendez-vous dans leur taverne préférée afin de fêter ce succès ! Katharina s’en retourna dans sa loge, défaire les rubans, la perruque et quitter ce costume, qui ne manquait pas de mettre ses formes en valeur. Tout en se faisant, certains, collègues, amis ou simples admirateurs toquaient de temps en temps à sa porte, glissant un joli mot, des fleurs et des sourires. Décidément, la soirée était parfaite. Enfin, il manquait toujours une personne pour que le tableau rose soit complet !
Redevenue La Cavalieri, elle se rendit au grand salon pour conclure par un léger bain de foule avant de prendre un repos mérité … jusqu’au lendemain ! Dans les couloirs, elle croisa quelques petites mains ouvrières s’affairant à retoucher le rideau, ranger les décors, des musiciens riant et tous se saluèrent chaleureusement. Ils le pouvaient, tant les répétitions furent semées d’embûche. Le traditionnel retard ne les avait pas épargné, un des principaux alto manquait à l’appel et le deuxième ténor de la troupe souffrit d’une extinction de voix peu de temps avant la première ! Tout s’était bien passé, fort heureusement, Dieu sait à quel point ils tremblaient avant le lever de rideau…

Un peu dépitée de ne pas croiser Salieri, elle fit quelques détours, pensant le trouver ... en vain. A force de faire des détours, elle se trouva dans l’entrée de l’opéra devant l’une des portes d’accès à l’orchestre et se figea en apercevant une belle femme brune, grande, embellie par les rondeurs d’une maternité à venir : cette femme était Thérésia Salieri.
Non, vous ne rêvez pas, la cantatrice complimentait l’épouse de son amant. Elle estimait Madame Salieri malgré la trahison et les tourments qu’elle lui infligeait certainement. Elève, soliste dans les opéras de Salieri (et plus …), elle avait déjà rencontré Thérésia qui était une très belle femme, aimante, dévouée à son mari, l’havre de paix dont il avait besoin. Antonio ne lui en parlait presque pas – ce qui se conçoit, difficile de parler de son épouse à sa maîtresse car quoiqu’ils en disent et pensent, leur liaison était plus qu’illégitime et requérait leur discrétion mutuelle – mais l’amour qu’il lui portait transparaissait parfois. Elle savait le drame qu’elle avait du endurer, l’ayant appris par une tierce personne. Salieri ne l’avait abordé qu’à demi-mots … Aussi, se sentit-elle très mal à l’aise en cet instant. Thérésia ne savait pas et quand bien même elle le soupçonnerait, la délicatesse imposait à Katharina de paraître comme si de rien était. Plus facile à dire qu’à faire, il fallait pourtant bien faire …

Elle s’approcha doucement de Thérésia et la salua :

-Bonjour Madame Salieri, c’est un plaisir de vous revoir ! lui dit-elle avec un sourire.

Malgré tous ses efforts, ce « Madame Salieri » lui nouait quelque peu la gorge. Mais elle n’en laissa rien transparaître ….

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La belle Thérèse était pâle et silencieuse mais restait, comme toujours, douce et courtoise envers tous ceux qui venaient la saluer. Car, à défaut d’avoir put trouver son époux, les admirateurs venaient vers elle pour lui demander de transmettre leurs félicitations au compositeur. Et bien évidemment, dans l’excitation de la première, personne ne faisait attention au fait que la jeune femme était enceinte et épuisée en plus de cela. Tout ce qu’elle voulait était retrouver son époux et rentrer à la maison avec lui.

Elle n’aurait probablement pas dut sortir ce soir, elle avait le tournis à présent et les voix de ceux qui lui parlaient n’étaient que des bourdonnements à ses oreilles. Heureusement, un musicien qui était venu quelques fois chez eux pour prendre des cours, vit qu’elle était sur le point de se sentir mal et l’emmena s’assoir sur une chaise avant de lui donner un verre d’eau. Avec un faible sourire, après avoir but quelques gorgées d’eau, elle le remercia et le félicita pour ses prouesses avant de lui dire de filer pour qu’il profite de sa gloire au lieu de rester là en garde malade pour l’épouse du compositeur. Le jeune homme lui sourit, demanda de l’appeler si elle avait besoin de quelque chose, et fila avec les danseuses qui l’appelaient depuis déjà un moment.

Posant une main sur son ventre, elle profita d’être un peu à l’écart pour calmer le bébé qui semblait lui aussi excité par le triomphe de son père. Le caressant un moment, une grimace ne tarda pas à lui être arrachée sous un nouveau coup de pied. Thérèse soupçonnait que c’était un petit garçon et qu’il serait visiblement très sportif car les coups étaient durs…

De peur de rater le passage de son mari, elle décida de se lever pour se remettre aux aguets. Où pouvait il bien être passé ce compositeur ? Son époux ne cessait de courir et depuis un moment, autant psychologiquement que physiquement, la jeune femme n’était plus en état de le suivre partout où il courrait. Et au fond, le fait qu’il ne l’attendait pas et ne fasse aucun effort pour la garder près de lui la blessait et la tourmentait. Et les tourments ne manquaient pas pour une jeune femme enceinte ! Mais elle avait toujours été le soutien de son mari… Tout d’un coup elle ne l’était plus. Lui en voulait il ? Devait elle se sentir coupable pour cela ?

La demoiselle cessa là son tourment car la cantatrice venait de l’interpeller. Elle lui sourit, de plus en plus pâle et lui répondit :

- Bonsoir Signora Cavalieri. Mais tout le plaisir est pour moi d’avoir put vous écouter ce soir ! Vous étiez parfaite à mes yeux - ou à mes oreilles plutôt - comme toujours. J’espère que mon époux a sut lui aussi apprécier votre triomphe à tous. En tout cas, je puis dire que je ne regrette pas d’être sortie de chez moi pour venir vous voir.

Elle lui esquissa un nouveau sourire et posa discrètement sa main, sous son manteau, sur son ventre, car le bébé bougeait et se tournait, torturant légèrement la pauvre jeune femme…

- Cela vous embêterait il que nous nous asseyions ? Mais je ne me sens pas très bien.

Ses genoux semblaient sur le point de céder. Il faisait beaucoup trop chaud et il y avait beaucoup trop de monde dans cette pièce pour la fragile demoiselle.

En s’approchant, Katharina crut lire de grands signes de fatigue sur le visage de Thérèse. Par délicatesse, elle se dispensa de tout commentaire relatif à son état de santé de peur de l’importuner et remuer un peu plus le couteau dans la plaie. Face à l’effort que la jeune femme fournissait pour attendre son fantôme de mari, ses compliments étaient encore plus touchants :

-Je vous remercie Madame, vos compliments me touchent et ont bien plus de valeur à mes yeux que nombre de ceux que l’on m’a distribué ce soir, dit-elle en souriant. Nul ne le sait, vous serez certainement le témoin privilégié de son contentement ... Les répétitions furent rudes ! En tout cas, je puis vous assurer que le triomphe obtenu est un sacré soulagement pour nous tous !

Entendant bien l’appel au secours de sa compagne, Katharina ne put qu’acquiescer :

-Oh non, pas du tout, vous êtes bien courageuse d’être venue assister à cet opéra, dans votre état … *Katharina tiens ta langue, réfléchis avant de parler !* Vous avez sans doute besoin de calme et de repos. Tenez, appuyez-vous sur mon bras et je vous mène vous asseoir au petit salon de ce côté-ci.

Sur ces paroles, la diva mena la future mère dans un petit salon, non loin de là, d’où l’on avait une vue imprenable sur ce qu’il se passait dans l’entrée et le grand salon. Le bruit des rires et éclats de voix diminuait peu à peu, annonçant le départ progressif de la foule. Un valet égaré passait à ce moment-là, sans doute avait-il fini son service, quoiqu’il en soit, il le reprendrait quelques instants :

-Valet ! l’interpella-t-elle, auriez-vous la bonté de servir un verre d’eau et quelques sucreries à Madame Salieri, s’il vous plaît ?

Maugréant un peu, le valet partit de nouveau vers le grand salon et revint avec la commande. Katharina le remercia et garda le plateau avec elles, cela serait plus commode ainsi.

-Tenez, Madame. Et elle lui tendit le verre d’eau, gardant le plateau sur ses genoux, près de son interlocutrice.

Pour détendre la jeune femme, elle en revint à l’opéra et lui demanda d’une voix douce, afin de ne pas l’indisposer :

-Où étiez-vous dans la salle ? Je ne vous ai point aperçu. J’espère que vous aviez une belle vue d’ensemble du plateau !

Elle s’éventa légèrement, offrant les bénéfices de son geste à Thérèse. Les voix du grand salon faiblissaient un peu plus, quelques spectateurs les saluaient avant de gagner la nuit viennoise et leur foyer.

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L’absence de son époux la pesait de plus en plus et le bourdonnement continu dans ses oreilles étaient exaspérant et lui donnait juste l’envie de tomber à genoux en éclatant en sanglots. Néanmoins, elle faisait un suprême effort pour se concentrer sur les courtoisies qu’elle échangeait avec la cantatrice. A ses paroles, un léger sourire éclaira ses lèvres mais il n’y avait aucun chaleur dans ce dernier, juste une certaine amertume et une grande douleur qu’elle semblait gardée bien au fond de son cœur.

- Tout ce dont je serai témoin ce soir c’est de la vue de l'homme que j'aime plus que tout au monde qui à peine revenu d’un opéra au triomphe spectaculaire se rendra dans son bureau pour corriger les erreurs qu’il sera toujours le seul à entendre.

Les compliments de la Cavalieri réchauffèrent très légèrement le cœur de la jeune femme qui néanmoins ne se trouvait pas courageuse. Elle savait que son mari avait besoin d’elle et elle était toujours là pour lui, quoiqu’il arrive. Et jamais, elle n’avait attendu quoique ce soit en échange. Thérèse était tout simplement dévouée corps et âme au compositeur… Mais lui ? Non. Ils s’étaient jurés soutien et fidélité, elle remplissait sa part du marché mais Salieri non. Ne méritait elle pas un peu de considération ? De tendresse ? Probablement pas. Elle savait bien qu’elle n’était pas désirable dans son état et qu’elle n’était pas aussi joyeuse qu’avant mais pouvait on l’en blâmer ? Elle avait peur. Peur de perdre le bébé une nouvelle fois. Alors elle pleurait, souvent même, mais jamais devant son époux. Elle ne voulait pas qu’il se sente obligé de la soutenir. Si il en avait l’envie, il pourrait la prendre dans ses bras et la serre contre lui en lui disant que tout irait bien mais il ne le faisait pas. Il restait enfermé dans son bureau à écrire sans cesse. Parfois, elle se prenait à croire que c’est avec son travail qu’il s’est marié, pas avec elle. Et les seules fois où elle entrait dans sa chambre c’était parce qu’elle avait passé la soirée seule, à l’attendre dans la salle à manger après lui avoir dit trois fois que le dîner était servi. Là elle entrait dans sa chambre. Pour crier ? Pour pleurer ? Non… Juste pour venir lui donner son assiette dans son bureau et le supplier de manger. Et elle, avait elle mangé seule ? Non, elle n’avait pas mangé, elle n’avait plus faim… Les seules fois où son mari prêtait un peu attention à elle c’était quand le bébé donnait des coups, là il venait doucement poser sa main sur le ventre de sa femme et immédiatement les coups se calmaient. Avait il peur de son père ? Craignait il sa colère autant que Thérèse ? Où était ce cette rare tendresse de la part du compositeur qui calmait le petit ange qui grandissait en elle ?

- Je ne suis pas courageuse Signora, je suis mariée à un compositeur et il est bien normal que je vienne voir ses représentations. Cela n’a rien d’impressionnant et vu le peu de temps que je passe avec lui, il est logique que si je puis le voir, j’en profite.

Reconnaissante, elle s’appuya doucement sur le bras de la cantatrice et la suivit dans le petit salon où elle s’assit sur un divan avec elle. Peu habituée à marcher ‘’autant’’ durant sa grossesse, elle ferma un instant les yeux pendant que la chanteuse passait la commande au valet. Elle les rouvrit dès qu’elle se tourna à nouveau vers elle et sourit en prenant doucement le verre d’eau.

- Je vous remercie infiniment.

Buvant quelques gorgées d’eau, elle fut soulagée en sentant la fraîcheur du liquide couler dans sa gorge. Cela fit aussi du bien au bébé. Mais elle ne prit pas de sucreries car comme toujours, elle avait l’estomac noué et ne souhaitait rien manger. Thérèse fut soulagée en effet quand le sujet revint à l’Opéra.

- J’étais installée non loin de l’Empereur qui est presque un proche pour nous. Antonio lui avait demandé de l’augmenter pour pouvoir m’épouser. Mon tuteur était très porté sur l’argent. Et si je suis Mme Salieri aujourd’hui c’est sans aucun doute en grande partie grâce à lui. Mais je pense que même si mon tuteur avait refusé… Je me serais enfuie avec lui… Je ne peux pas imaginer la vie sans lui.

Elle esquissa un triste petit sourire.

- Je suis désolée, je divague dans mes pensées.

Regardant autour d’elle, Thérèse se demanda où avait bien put passer son mari. Une pensée traversa son esprit mais elle préféra vite l’effacer.

- Pardonnez moi, je vous retiens ici près de moi alors que vous devriez peut être rentrer. Je peux attendre mon époux seule vous savez, il ne faut pas rester pour moi, vraiment.

En entendant la réponse ainsi faite par Thérèse, Katharina causa une souffrance –de plus – à l’épouse de ce cher Salieri alors qu’elle ne souhaitait que la réconforter. Que répondre à cela ? Quoi dire qui ne serait superflu ? A vrai dire, toute parole serait vaine car s’il y a bien une personne qui connaissait le caractère et les habitudes du maestro, c’était sa femme. Mais ce soir, sa réaction serait peut-être différente :

-Oh, Madame, je dois vous avouer l’avoir vu sourire à la fin de la représentation, ce qui est plutôt rare. D’habitude, il ne manque pas de venir me toucher deux mots en loge sur les quelques erreurs ou insatisfactions qu’il aurait entendu durant la représentation … Il doit simplement fuir les compliments, comme à son habitude … Aussi, ne devrait-il pas trop avoir à corriger ses partitions, profitez-en, répondit-elle doucement.

Tenir ce discours à son interlocutrice n’était pas évident pour la cantatrice. Par une si belle soirée, elle aurait eu de fortes chances de poursuivre l’instant magique auprès de son créateur … Or ce soir, elle s’effacerait comme elle se devait de le faire. Elle n’avait aucun droit ni privilège et elle ne pouvait enlever Salieri à son épouse, bientôt de nouveau mère. Elle avait plus que tout besoin de tout son soutien et son amour … même si cela devait fendre le cœur de la diva.

-Certes, vous avez raison mais d’autres attendraient sagement à la maison ! Il a de la chance d’avoir votre soutien, qui lui est nécessaire pour composer et trouver le calme que dame inspiration lui ôte souvent pour composer ses prestigieux arias !

La belle en savait quelque chose. Entre les deux femmes, il y avait un point commun : Salieri oui, c’est une évidence mais également la « difficulté » de vivre auprès d’un homme marié à la musique. Sa femme souffrait de ses absences, de son inattention au profit de sa concentration dans la fusion des notes de musique et de son exigence. Katharina, élève et amante, se pliait aux exigences du maestro et était parfois la cible des remontrances ou le catalyseur des tensions qui le parcouraient. Chacune à leur place et selon leur personne l’épaulaient et vivaient avec lui, son caractère, sa passion, entre colère et paix, entre douceur et fermeté, entre amour et admiration.

Tout comme Thérésia, Katharina apprécia de voir la discussion se recentrer sur l’Opéra, elle évoquerait moins de souvenirs et la mettrait moins dans l’indélicatesse. Elle sourît tendrement au discours de Mme Salieri. *Quel sens aurait l’existence sans la présence de « leur » homme à leurs côtés ? Très peu certainement !*

-Ne vous excusez pas, Madame divaguez dans vos pensées s’il vous plaît, d’autant que ce sont de jolies pensées ! L’Empereur est un homme bon et attentif. Il est aussi très généreux auprès de nous autres artistes. Je ne crois pas qu’un autre souverain serait aussi enclin à favoriser les Arts et à aimer autant la musique !, ajouta-t-elle sur une voix chantonnante.

-Non, ne vous inquiétez pas, je ne peux vous laisser seule ici alors que l’Opéra se vide. Ne vous inquiétez pas, le lieu n’est pas aussi grand qu’il en a l’air, un connaisseur ne peut pas s’y perdre … L’avez-vous déjà de visité, même dans ses endroits les plus secrets ?

Katharina restait auprès de Thérèse car elle s’en serait voulue de l’abandonner ici, seule, fatiguée. N’allez pas croire non plus qu’elle était hypocrite, non, elle ne l’était pas. Son aide et ses mots étaient sincères. Calculées alors ? Peut-être. En restant ainsi, elle espérait croiser Salieri, son regard et repartir avec cette étincelle au fond du cœur qui l’emporterait avec douceur dans les bras de Morphée.

Hj : uuup or not ?

Je crois que le topic est au point mort donc autant verrouiller Wink

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