Caresser un rêve, toucher une réalité, vivre une vie (LIBRE)

*Cela faisait trop longtemps que Franz n'avait pas touché à cette passion dévorante qui était la sienne. La musique commençait à lui manquer sérieusement, mais, sans qu'il sache vraiment pourquoi, ces derniers temps, il n'arrivait pas à trouver du travail. Le marché de la musique était comme saturé. Pourtant le jeune homme ne voulait pas renoncé et il avait décidé de trouver du travail. Mais par où commencer ? Il avait l'étrange impression qu'en ce moment tout se retournait contre lui. Peut importait. Il voulait prendre son destin en main. Il n'y avait que ça à faire. Mais avant, il avait besoin de voir, de sentir, de toucher ce rêve de célébrité.

Il était arrivé à l'opéra en début d'après-midi. Il connaissait le fonctionnement de ce lieu. Tout le monde commençait à s'affairer dès que midi était passer, pour préparer la représentation du soir. Les femmes entretenaient les fauteuils rouges et la salle où le public était assit. Les musiciens commençaient lentement à arriver pour répéter entre eux, souvent dans les coulisses. Les chanteurs arrivaient plus tard pour n'avoir pas à ré-échauffer leur voix. Les danseurs avaient besoin de s'échauffer eux très tôt. C'est pourquoi il savait qu'il passerait inaperçu dans ce branlebas de combat qui commençait.
Le jeune homme, vêtu d'un justaucorps marron, d'un pantalon noir, d'une veste marron foncée et d'un tricorne de la même couleur déambulait vers la scène. Il savait ce qu'il voulait faire. Il voulait toucher le plancher de cet opéra qui lui faisait tant envie. Une fois au pied de la grande scène, il se dirigea vers la fosse à orchestre et soupira. Un terrible sentiment de vide s'empara de lui. Après un instant de silence, il ferma les yeux, et, sans tenir compte des autres femmes, il fredonna une mélodie. Celle qu'il aimait le plus. Une vieille musique dont il ne connaissait pas le nom mais qui était la première chose qu'il avait appris au violon puis au chant. Tout un morceau de son enfance.

Hofer pensait que personne ne prêterait attention à lui et pourtant...*

Therese avait egalement le besoin de se retrouver quelque peu... Pourquoi dans ses lieux ? Pour la simple et bonne raison que c'est le lieu ou elle a passe le plus clair de son temps, ou du moins du temps qu'elle partageait avec son epoux. Ce brouhaha incessant n'avait rien d'epuisant pour elle, contrairement a ce que l'on aurait put croire. Au contraire, il lui etait doux et reposant... Comme une melodie que l'on connait depuis longtemps et qui nous rappelle de merveilleux moments passes...

Le visage baisse, elle laissa son regard se promener sur le mouvement mecanique et repetitif des balais qui faisaient s'envoler la poussiere du sol de l'Opera. Celle ci lui montant au nez, elle se releva en etouffant une legere toux et leva la tete vers la scene. Elle y vit alors un jeune homme qui comme elle semblait perdu dans ses pensees ! Il etait plutot beau et avait un air serein quoique plonge dans des pensees d'importance. Il etait fort bien habille et avait une carrure facilement imposante ! Mais en cet instant, il avait plus un air d''enfant qui voudrait deja etre grand ! Sauf que cet air la chez les adultes veut souvent dire qu'ils regrettent leurs jeunes annees ou en sont melancolique.

Relevant sa robe vert pale - qu'elle surnommait elle meme la robe "serpent" - elle monta les petites marches qui la separaient de la scene. S'approchant du jeune homme, elle vint poser sa main aux longs doigts pales et effiles sur son bras.

- Ils vont commencer a installer les decors Monsieur... Vous ne devriez pas rester la.

Un tres joli et particulierement doux sourire vint eclairer ses levres. Elle garda sa main sur son bras pour l'inviter a s'eloigner.

- Qu'etait-ce que vous fredonniez ? J'ai cru vous entendre chanter.

*Ce cher Hofer était tant plongé dans ses pensées et dans sa petite chanson qu'il n'entendit pas cette femme s'approcher. Le jeune homme s'en rendit simplement compte quand la main d'une femme se posa sur lui. Sursautant il fit un pas de côté, ce qui n'empêcha pas la femme de laisser son bras là où il était. Un peu étonné, Franz repris contenance en la regardant calmement. Il devait savoir à qui il avait à faire.

La femme qui le faisait face semblait douce et calme dans sa robe verte (qui lui allait bien il fallait le reconnaitre. Hofer n'avait pas le choix, il devait s'éloigner. Il suivit alors la jeune femme tout en souriant doucement. Il n'avait pas à être méchant avec elle de toute façon.*

- Oh, je le sais Madame. Je prenais simplement le temps de rêver un peu.

*Cela oui, il le savait. Il connaissait le fonctionnement d'un opéra par coeur. trop peut être pour rester sein d'esprit...
Une fois dans un coin où ils étaient certains de ne pas déranger, l'étrange couple que formaient les deux personnages s'arrêta. Franz pouvait enfin parler sans crainte.

Franz sourit doucement en entendant la question de cette femme. Elle l'avait donc entendu. Bon sang, pensa-t-il, on ne peut pas chanter en paix ? Non, visiblement. Certes il était un ténor à la voix plus qu'enviable, mais il ne voulait pas chanter pour être entendu. Cette fois il voulait chanter pour lui et lui seul. Cela lui arrivait parfois. Mais pour ne pas être impoli, il lui adressa un signe de tête et répondit d'une voix calme.*

- Je ne saurai vous donner le titre de cette chanson. Elle remonte à mon enfance et même si je peux la chanter et la jouer, je ne peux hélas pas vous en indiquer l'auteur et le titre. Seule ma mère semblait détenir la clé de ce mystère...

*Ah, sa mère... Il ne devait pas se laisser aller à ce genre de penser. Il n'était pas seul et fuir dans ses souvenirs ne lui apporterait rien de bon.

Pensant à rester en contacte avec la réalité, notre jeune musicien se rendit compte qu'il ne s'était pas présenté. Une faute de gout que son père n'aurait sans doute pas laissé passer.*

- Veillez m'excuser Madame. Je vous parle sans vous donner mon identité... Je suis Franz de Paula Hofer. Pour vous servir.

A ce sursaut presque violent, la jeune femme ne put que repondre par un leger sursaut de sa part. Elle ne le croyait pas autant plonge dans ses pensees ! Elle glissa son pouce sur son bras pour le calmer - comme elle faisait sur la joue de ses enfants lorqu'ils faisaient un cauchemar - mais le jeune homme semblait tres bien reprendre contenance par lui meme. A ses paroles, ce fut a son tour de sourire avec la meme douceur que son interlocuteur.

- Le temps de rever... Le trouve-t-on encore a notre epoque ?

Elle eut un sourire presque melancolique et accompagna le jeune homme dans une partie un peu eloignee du grand remue-menage de l'opera. Elle vit une petite danseuse qui chuchotait quelque chose a sa comparse en gloussant. Madame Salieri etait bien connue a l'opera, et la voir aupres d'un jeune et bel inconnu et surtout de les voir s'eloigner et se mettre a l'ecart etait plus que suspect ! Cela ne l'empecha pas de les ignorer et de continuer a avancer avec le bel inconnu en question.

A sa reponse, son sourire ne se departit point meme si l'allusion a la mere lui pinca legerement le coeur sans qu'elle ne le laisse paraitre. Elle repondit alors :

- Votre mere est bien chanceuse d'avoir la cle du nom d'une oeuvre qui semble - de ce que j'en ai entendu - fort agreable a l'ecoute.

Ensuite vinrent les presentations, bien formelles comme il se devait mais sans decliner ce qui devait etre sa fonction. De ce qu'elle en savait, les hommes se presentaient toujours en nommant le fonction : Kappelmeister, Medecin de Cour,... Oh et bien tampis si ce jeune homme n'etait point habitue au formalites. Elle appuya sa main sur la sienne et fit une elegante reverence avant de se presenter a son tour.

- Theresa Von Helferstorffer, epouse Salieri. Enchantee de faire votre connaissance Herr Hofer.

Ce fut lorsqu'elle se releva qu'un homme robuste avec un bac de costumes passa derriere elle en la bousculant. Peut etre n'etaient ils pas tant que cela hors du chemin. Perdant l'equilibre, elle tomba contre son interlocuteur, ses mains appuyees contre son torse. Relevant la tete d'abord vers ce dernier, ses joues rosirent et elle fit un sourire gene en se redressant lorsque l'homme qui l'avait bousculee la traita de rat d'opera qui devait arreter de trainer partout. Ce n'est que lorsqu'elle ce fut retournee que l'homme reconnu la femme du plus compositeur de Vienne qu'il devint a son tour rouge pivoine avant de s'excuser et de filer a ses occupations... Elle se retourna vers Hofer, les joues toujours legerements rosees.

- Veuillez m'excuser pour cette maladresse je vous prie.

*Le temps de rêver ? La question de cette femme paraissait étrange à ce jeune homme qui n'avait jamais abandonné ses rêves. Pourtant il lui offrit un large sourire, un peu comme un enfant trop heureux qu'on s'intéresse à ses rêveries futiles. Pourtant sur ce jeune homme, ce sourire valait de l'or. Un sourire franc et doux à la fois. Il inclina alors la tête avant de lui répondre.*

- J'ai le temps de rêver. Car si je perds mes rêves, je crois que je perds tout. Tout le monde devrait rêver de temps à autre. Cela fait un bien fou.

*Franz avait le sourire et la parole facile pour cette femme qui, il faut bien le dire, lui était agréable. Elle savait ce qu'elle faisait ici et cela lui indiquait son lien avec ce lieu magique qu'est l'opéra.

Aux murmures qu'il entendit lui aussi sur son passage, le beau Franz ne put que laisser courir. Pourtant il n'aimait pas ces commérages et laissait volontiers aux autres le soin de répandre les ragots et autres suspicions. De toute façon, il n'avait pas le temps pour cela. Il devait s'entrainer au chant et au violon tout les jours et il essayait de composer. Quand il vit la réaction de la Dame, il se dit que de toute façon elle devait y être habitué. Ce qui, naturellement lui amena la curiosité dans la tête. Qui était cette femme, habituée aux lieux et qui semblait ne pas faire grand cas des ragots ? Une chanteuse sans doute. Mais il n'arrivait pas à mettre un visage sur cette femme. Pourquoi ? Hofer cherchait encore qui était cette femme quand elle lui dit que sa défunte mère avait de la chance. Alors il eut un sourire tendre et mélancolique, adressé à sa mère, tout en répondant.*

- Elle n'a jamais voulu me dire ce que cette musique était. Elle me l'a fait chanter, transcrire et jouer. C'est un mystère qui est sans doute mort avec elle.

*Puis cette femme se présenta. Élégante, raffinée, douce. Elle avait quelque chose d'étrange. Un peu comme une femme qui n'est pas à sa place ici. Mais quand elle lui énonça son nom et surtout le nom de son époux, Franz crut un instant que le ciel allait lui tomber sur la tête...

Cette femme était... Elle était la femme... De Salieri. L'homme le plus connu de Viennes. Lui qui avait les faveurs de l'empereur d'Autriche, le soleil du Tyrol. Il dut faire preuve de toute les volontés du monde pour trouve un calme qu'il était loin d'éprouver. Il venait de dire à cette femme ce qu'il faisait sans le voir. Il n'était pas conscient de tenir là, peut être, les clés de ses rêves.

Avant qu'il n'ai pu répondre et sortir de ses pensées, la femme était tout contre lui. Elle avait été poussé et c'était rattrapé à lui. Hofer n'avait pas bouger. Il était solide et fort et pouvait sans peine se soutenir, même avec la petite poussée de la Dame. Ce fut en souriant qu'il l'aida à se remettre debout comme il le fallait.*

- Ce n'est pas grave Madame. Ne vous en faites pas, il n'y a aucun mal. Je vous l'assure.

*Devenu plus miel encore, il essayait de ne pas déplaire à cette femme. Car qui déplait à la femme d'un homme, déplait à l'homme. Alors mieux valait ne rien faire de stupide. Lentement son cerveau semblait se remettre en marche et Hofer commençait à voir qu'il tenait là une des clés potentiels de son avenir...*

Thérèse ne pouvait que sourire aux paroles infantiles de ce jeune homme. On aurait vraiment cru un enfant qui essayait d'expliquer ses rêves à un adulte qui avait déjà grandi depuis longtemps... Le sourire qu'elle réservait habituellement pour ses enfants vint se dessiner sur ses lèvres et elle comprit que ce jeune homme n'était réellement qu'une enfant. Du moins, dans sa tête. Avec cette même douceur, elle répondit :

- Je vous admire de trouver ce temps. Moi je ne le prends plus... Et puis, je pense ne plus avoir l'inspiration de rêver comme il faut.

Elle eut un petit sourire amusé et avança donc avec lui dans les lieux un peu plus reculé de l'Opéra. Perdue dans ses pensées - qui concernaient principalement le dîner du soir et de la semaine à venir et les futurs achats des habits des enfants - elle ne releva les yeux vers son interlocuteur que pour vois la fin d'un sourire mélancolique qui s'était dessiné sur ce visage innocent. Elle comprit alors à ses paroles que sa mère était décédée. Elle regretta immédiatement alors ses paroles et, par nervosité, se mordit légèrement la lèvre.

- Toutes mes condoléances pour votre défunte mère Monsieur...

Pour changer le plus rapidement de sujet - car et le sujet de la mort et celui des parents étaient des sujets for sensibles chez la jeune femme - elle enchaina :

- Et vous êtes donc musicien ? Compositeur également ?

En voyant alors la soudaine nervosité de son compagnon, Thérèse comprit qu'il n'était pas si spécial qu'elle l'avait espéré... Non. Il était comme les autres, un fervent admirateur de son mari. A son nom, Thérèse avait disparu. C'était Mme Salieri maintenant, elle le savait mais elle le regrettait. Elle pensait avoir un ami... Un ami pour elle... Pas encore un qui l'utiliserait pour arriver à ses fins auprès de son époux. Elle eut presqu'autant de mal à retenir la douleur et le regret d'apparaître dans ses yeux que Franz eut de mal à retenir sa nervosité. Comment pouvait elle deviner au moindre regard tout cela ? Pour la simple raison qu'elle l'avait déjà vécu, maintes et maintes fois, et qu'elle savait maintenant reconnaître celui qui voulait être auprès d'elle et celui qui voulait se rapprocher de son Salieri...

Ce fut dans ce moment douloureux que la jeune femme se fit bousculer et se retrouva dans les bras du jeune homme. Il l'aida à se relever et elle lui sourit, plus froidement cette fois. Pourquoi continuer les petits sourires doux et les paroles agréables si de toute façon ce n'était point du tout à elle qu'il en avait ?

- Je vous remercie...

Le ton mielleux qu'il prit alors résonna dans sa tête comme le plus atroce des grincements et elle serra les dents en joignant ses mains sur le bas de son corset en soupirant légèrement. Oui, elle avait du mal à cacher son agacement. Elle se laissa glisser sur un fauteuil en velours de l'Opera et le regarda sans l'inviter à s'assoir. Si de toute façon, il comptait faire du lèche-botte, elle n'allait pas faire l'effort de rester debout.

Sa mélancolie ne pouvait pas revenir, Thérèse le savait... Sinon elle sombrerait à nouveau... Mais c'était si dur... Personne ne s'intéressait à elle ! Personne ne voulait être à ses côtés pour elle. Mais elle avait ses enfants, il ne fallait pas qu'elle les oublie. Ils était là eux... Oui, heureusement. Et puis Antonio... Il avait beau avoir des maîtresses, quand il était auprès d'elle, il n'était là que pour elle et ça elle savait l'apprécier - d'où les nombreux enfants d'ailleurs ! Mais cela n'empêchait pas que se prendre encore une fois dans la figure qu'elle n'existait que ce pour sa famille... c'était douloureux.

*Le changement soudain de la Dame fit comprendre à Franz qu'il venait de mettre les pieds dans le plat. Il savait pourtant qu'il ne faut jamais faire trop démonstration de son respect envers une femme, surtout quand on souhaite être apprécié (pour une quelconque) d'elle. Alors il baissa un instant les yeux comme un enfant pris en faute puis il se reprit en souriant. S'exhortant au calme, il la suivit mais resta debout à côté d'elle. Il y avait des règles de bien-séance qu'il ne fallait pas oublier. Puis, comme si de rien n'était, il lui adressa un calme sourire. Ce jeune homme savait passer d'une émotion à l'autre et son grand respect trop soutenu devint une amitié à peine cachée.*

- Oui, je suis musicien, compositeur et chanteur également. Mais hélas, ce n'est pas le travail qui court les rues !

*Haussant ses épaules musclés (juste ce qu'il faut hein !), il inclina un instant la tête sur le côté. Il y avait dans ce grand garçon, un reste d'enfance qui le rendait touchant. Il était au fond, simplement un homme voulant vivre ses rêves. Rien de plus. Mais dans un monde impitoyable, il savait qu'il devait faire preuve de force et de rage. Pourtant il ne pouvait pas, il ne voulait pas encore perdre cette force. Sa mère lui avait toujours dit : "Mon fils, garde toujours en toi cette douceur de l'enfance qui rend ton sourire si beau." Alors il s'efforçait de le faire. Même si cela était difficile.

Hofer offrit donc un sourire à la Dame tout en regardant l'agitation qui gagnait la scène. Il aurait tout donné pour en faire parti. Pourtant il savait que très vite il devrait quitter les lieux et laisser ses rêves pour aller demander du travail chez les riches familles de Vienne et jouer les musiciens de salon sans envergure.*

- Et... Si je peux me permettre... L'inspiration de nos rêves reste toujours en nous. Au plus profond de notre coeur. C'est simplement en grandissant et en devenant adulte que l'on oublie de laisser parler son coeur... Enfin... C'était ce que disait ma mère.

*Conscient de ne pas avoir eut beaucoup de tact en lui disant cela, il savait que, de toute façon, il était sans doute hors-jeu. Alors... Autant devenir plus que naturel et advienne que pourra !*

Mais ce manque de tact n'eut pas l'effet que ce jeune homme craignait. Bien au contraire. Sa mélancolie se dissipa car oui, ce personnage commençait à l'intéresser. Epouse du Kappelmeistr de Vienne, elle pouvait trainer dans l'Opera autant qu'elle le souhaitait, même si elle était dans le chemin ! Elle releva donc calmement la tête vers lui et l'invita à s'assoir à ses côtés d'un geste vague de la main. D'un ton un peu ironique, elle dit alors :

- Vous dites donc que je ne sais point du tout laisser parler mon coeur ? Que j'ai perdu ma jeunesse ? Cela est bien osé cher jeune homme.

Appuyant son coude sur le bras de son siège, elle posa son menton dans la paume de sa main et le regarda avec un léger sourire au coin des lèvres. Son regard sombre allumé seulement d'une petit éclair de malice lui donnait un air impénétrable alors que son allure donnaient le sentiment qu'elle était terriblement fragile !

- Je ne sais pas comment cela se passe dans votre monde Mr Hofer mais dans le mien, on ne rêve plus parce qu'on est face à une réalité pure et dure. On ne rêve plus parce qu'on ne peut pas se le permettre. On ne rêve plus parce qu'on a pas assez et trop à la fois pour rêver. On ne rêve plus parce qu'on a appris à vivre avec la déception...

Elle disait tout cela avec le sourire parce qu'en effet, elle avait appris à vivre avec et si au début cela l'avait brisée, à présent elle n'y réagissait plus.

*Franz, aux paroles de la jeune femme pris une couleur digne du magnifique rideau rouge qui, ouvert, pendait sur les côtés de la scène. Honteux de ses paroles, il était terriblement conscient d'avoir commis une erreur. Pourtant, contrairement à ce qu'il avait imaginé, elle ne le mit pas dehors avec pertes et fracas. Non. Elle lui proposa de s'asseoir. Etonnant, très étonnant même. A tel point que Franz dû mettre quelques longues secondes à s'exécuter. Il avait sur le visage un air étrange, puis, il ferma les yeux pour éviter le regard de la Dame en lui parlant.*

- Je suis vraiment désolé. Je ne voulais pas dire cela. Je ne voulais pas que vous le preniez mal...

*Puis les paroles surprirent le jeune homme. Il avait sans doute un monde un peu différent, peut être encore enfantin. C'était presque fou. Il était confronté à un monde plus dur qu'il ne voulait l'imaginer. Certes il savait que dans son art, la monde était une jungle mais il avait espéré que cela serait plus facile. Calme, serein, souriant. Tel était ce jeune homme qui ne pouvait pas faire autrement et qui espérait que son monde serait de même. Hélas ce n'était pas cela. Alors il soupira à la fin des paroles de cette Dame et posa son regard au loin, sur la scène. C'était tout ce dont il rêvait. Etre sur la scène.*

- C'est également le monde dans lequel je vis. Mais tout ce que je veux, c'est essayer de faire de ce monde un moment de paradis quand je joue ou chante. Si je peux apporter un peu de mon monde pendant que j'exerce mon art alors j'en serait très heureux. Mais comprenez que ce monde... J'aimerai ne pas le voir... Mais...

*Un soupire vint clôturer ses paroles qui était si triste. Il était un musicien qui ne voulait qu'une chose, vivre pour sa musique, pour son monde. Et non pour voir la vie réelle.*

HJ : Vraiment désolée pour mon absence de réponse J'ai pas reçu la notif et j'ai perdu un peu le forum de vue :S

Thérèse rit doucement, amusée par le teint que son interlocuteur venait de prendre. Il avait quelque chose d'enfantin, un oeil distrait aurait presque crut que c'était une jeune femme déguisée en homme tant il se confondait en excuse et surtout commettait gaffe sur gaffe. Mais il avait de la chance et était tombé, en tombant sur Thérèse, sur l'épouse de compositeur la plus douce qu'il y ai eut ! On ne pouvait trouver plus angélique qu'elle, cela était certain.

La froideur d'un peu plus tôt s'était dissipée et elle vint poser sa main sur celle du jeune homme.

- Vous êtes jeune et plein de fougue, vous dites ce que vous pensez et je vous l'envie. Je n'ai, quant à moi, pas du tout pris mal votre remarque. Il devrait y avoir plus de jeunes gens comme vous qui osent nous remettre, nous autres endormis que nous sommes, à notre juste place.

Elle lui sourit d'un air amusé, sachant pourtant que cela n'arrivera jamais. Personne n'osera jamais, au grand jamais, dire quoique ce soit à son époux. Aucun apprenti ou aucun de ses musiciens n'aurait osé remettre en doute le moindre de ses faits et gestes !

En l'entendant parler, la jeune femme sentit une vague de bonté pour ce jeune homme la submerger. Elle avait déjà une main posée sur celle de Franz l'autre vint ses glisser sous elle pour serrer tendrement cette main entre les siennes.

- Venez chez nous. Jouez pour moi. La musique d'une âme pure doit être si belle.

HJ : Ce n'est pas grave, ça arrive !

*Franz la laissait parler, tout en fixant le rideau et la scène. C'était une chose si étrange que d'être ici, à discuter avec cette femme, comme si de rien n'était. Il était conscient de ne pas être à la hauteur, pourtant elle lui disait qu'il avait raison d'agir ainsi. C'était un peu comme être dans un autre monde. Le jeune homme avait du mal à comprendre ce qu'il se passait certes, mais il ne voulait pas en perdre une miette. Il était là, il savait que s'il voulait il pouvait jouer sa vie, mais hélas, il ne le pouvait pas. Trop de gaffe, trop d'idiotie dans sa bouche. Il ne pouvait donc plus faire demi tour. Il allait se rendre, résigné, d'avoir perdu une chance de plus de faire ce qu'il aimait quand il sentit les mains de la femme de Salieri lui rendre la main. Il n'en revenait pas et posa sur elle un regard étonné, sans pour autant poser de question. Il avait au moins appris cela. On ne pose jamais de question à la volonté d'une femme. Elles ont toujours raison, et fond des hommes ce qu'elles veulent. Sa mère lui avait fait découvrir cela très tôt. Alors il se contenta d'écouter, en souriant.

Les paroles de la Dame, lui proposant de jouer chez elle, le firent trembler un instant. Car si Hofer n'était qu'un doux rêveur, il savait ce que cela voulait dire. Affronter l'homme qu'il redoutait le plus dans son art... Lui faire écouter son talent et lui montrer de quoi il était capable. Cela était une chose complètement folle. Il n'y avait jamais songé mais en rêvait secrètement. C'est pourquoi il tremblait. Mais il n'avait pas le temps de penser à ce que cela signifiait. Il devait répondre et sur le champ à une telle invitation, si intimidante soit-elle. Alors il prit sur lui pour sourire de façon normale (ni terrorisé, ni trop heureux).*

- Ce serait un véritable plaisir Madame de jouer pour vous. Mon violon saura peut être vous ravir. En tout cas, je l'espère.

*Alors il inclina la tête pour parfaire sa réponse. Il acceptait. Il était heureux et terrorisé à la fois. Mais il devait se contenir. Il serait bien temps de fêter cela plus tard.*

Une fois qu'il eut accepté, elle lui sourit d'une façon assez maternelle. Elle remit alors ses mains sur ses genoux, se rendant tout de même compte de l'inconvenance de son geste. Prendre les mains d'un homme... Cela était bien trop osé pour l'époque dans laquelle ils vivaient. Elle continua néanmoins à lui sourire avec tendresse.

Sortant un peu de la bulle dans laquelle elle s'était plongée avec lui durant cet entretien, elle décida de se lever. Elle l'invita à en faire de même et même plus, elle l'invita à le suivre alors qu'elle commençait à monter les marches qui menaient vers la sortie du lieu. Elle tourna la tête vers lui, l'attendant puis prit son bras en souriant. Faveur qu'elle ne laissait à... personne en fait. A son mari quand il lui offrait son bras, ce qu'il ne faisait presque jamais. Elle eut une petite pensée pour son mari puis un soupire lui échappa. Un soupire assez silencieux mais néanmoins un soupire.

- Nous dérangeons ici, quittons les lieux et allons nous promener ! Sauf si une autre occupation vous accapare bien sûr, dans ce cas là je serais ravi de vous y accompagner. L'ennui me guette cruellement...

Elle rit doucement d'un rire innocent et léger. Pas son rire habituel... Tout semblait être différent à ses côtés, elle se sentait plus jeune. Ils firent quelques pas en silence avant qu'elle ne brise ce silence par un petit murmure qu'elle vint chuchoter à son oreille sur un ton langoureux :

- Parlez moi de musique...

A sa voix, on aurait vraiment cru qu'elle disait "Parlez moi d'amour..." mais ce n'était pas le cas.

*Surpris par ce qu'elle faisait, ce qu'elle disait, il la suivait néanmoins. Elle avait quelque chose d'étrange dans le regard. Comme une mère un peu incestueuse. Oui, c'était cela. Hofer n'aimait pas trop cela mais il était attiré. Non par attiré comme lorsque l'on est amoureux non. Un peu comme... Non, il ne pouvait le définir. Il ne savait pas. Il la laissa lui prendre le bras, lui parler.*

- Je n'ai -hélas- rien à faire. Je suis libre comme l'air.

*Pas de leçon aujourd'hui et c'était tant mieux. Il était conscient que sa chance était là. Enfin. Il ne voulait pas la gacher même si, il le savait, cela était probablement fait. Quand elle lui demanda de parler de musique, il entendit un instant une femme lui demander de parler d'amour. Cela lui arracha un sourire lorsqu'il posa sur elle un regard calme et doux à la fois.*

- La musique... C'est un fil tendu entre deux âmes. C'est un moment d'éternité volé aux étoiles. C'est un état second dans lequel on se trouve lorsque l'on joue. C'est faire parler son âme pour mieux faire pleurer les coeurs.

*Voilà, c'était dit. Il l'accompagnerait partout où elle voudrait, c'était un fait. Mais lui demander de parler de musique, c'était donner à un enfant un paquet de bonbons et lui dire de n'en manger qu'un... Il commençait mais ne pouvait plus s'arrêter.*